Homélie prononcée par Monsieur l’abbé Éric Iborra pour la messe célébrée le mardi 21 janvier 2020 en la Basilique Royale de Saint-Denys à la mémoire de la mort de Louis XVI, Roy de France et de Navarre.

REQUIEM POUR LE ROI LOUIS XVI


Au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit !

Un des historiens qui a le mieux compris Louis XVI, Bernard Faÿ a publié en 1955 son ouvrage sous le titre : « Louis XVI ou la fin d’un monde ». Et nous vivons certainement la fin d’un monde!

C’est pourquoi, en ce jour où nous commémorons la mort du roi , qui coïncide avec le début du jubilé célébrant les 350 ans des apparitions de Paray le Monial, il me paraît opportun de lier ces deux mémoires pour y puiser les forces qui seules peuvent sauver la France et l’Europe du sort affreux qui leur est réservé si un réveil spirituel catholique ne se produit pas! À l’extérieur, l’Eglise catholique a aujourd’hui toujours les mêmes ennemis qu’au temps de Louis XVI, les héritiers de la philosophie des lumières , et à l’intérieur elle ne se remet pas de déviations doctrinales, fruits d’opportunisme combiné à la lâcheté, à la démagogie aussi, auxquelles il faut ajouter aujourd’hui l’indigence des connaissances théologiques .

 Quand Louis XVI devint roi en 1774, depuis plus d’un siècle le catholicisme était miné de l’intérieur par le jansénisme,que la philosophie des lumières accommoda à sa sauce pour s’opposer au catholicisme et au roi.(1) Les deux étaient évidemment liés en France . Tout le monde se souvenait qu’´Henri IV avait dû abjurer le protestantisme en 1593, ici même à Saint Denis, pour pouvoir être sacré roi de France . Il allait ainsi pouvoir continuer le gallicanisme royal, datant du Concordat de Bologne de 1516. Sans autorité doctrinale sur l’Eglise qui dépendait entièrement du Pape pour cela, il devait veiller, comme le feront aussi ses successeurs , à l’ordre dans l’Eglise, en nommant de bons évêques qui ne pouvaient « fonctionner », si j’ose dire, qu’avec l’investiture canonique du Pape . Mais conformément aux serments de son sacre, il veillait aussi aux hérésies pour en informer le Pape . C’est pourquoi dès 1638, Richelieu, au nom du roi , avait fait arrêter l’abbé de Saint Cyran, confesseur des religieuses de Port Royal, à cause de son rigorisme en matière de dignité pour recevoir l’Eucharistie, et de ses conceptions sur la grâce et la prédestination, rappelant étrangement celles de Calvin. Quand cet abbé mourut en 1643, il fut relayé en France par Antoine Arnauld, qui publia un traité sur la fréquente communion. Et cela faisait malheureusement suite à la publication de l’Augustinus de Jansen, évêque d’Ypres, connue à Paris en 1641, texte condamné et mis à l’index par ce grand pape que fut Urbain VIII le 6 mars 1642. Le Saint Père n’était intervenu que parce qu’on avait constaté en France, depuis la publication d’Arnauld sur la fréquente communion, une baisse dans la pratique eucharistique. L’usage du temps faisait qu’on assistait souvent à la messe, sans communier. C’était certes plus fréquent à l’époque qu’aujourd’hui, mais les exigences jansénistes en rajoutaient quant à la dignité , si bien que le « Domine non sum dignus…. » devenait un barrage infranchissable, privant les fidèles de la plus puissante consolation spirituelle.

Après la condamnation solennelle du jansénisme par le Pape, la sagesse aurait commandé la patience royale , pour s’en remettre aux évêques. Mais Louis XIV, trop soucieux d’imposer sa marque personnelle en tout , harcela le Saint Siège pour obtenir de nouveaux textes de condamnation, qu’il fallait présenter au Parlement qui se faisait à chaque fois un plaisir de les refuser pour ennuyer le Pape et le roi, n’hésitant pas à utiliser le démagogie, qui deviendra l’arme favorite du discours révolutionnaire. Le sommet étant atteint par les discussions autour de la bulle « Unigenitus »de 1713. Ce blocage juridique engendra le gallicanisme parlementaire, il jeta la religion catholique en France dans les mains d’une assemblée de juges , qui un siècle plus tard se transforma en assemblée constituante le 17 juin 1789, aggravant son jansénisme gallican par l’oubli pur et simple de la Médiation du Christ, devenant un conciliabule composé en majorité d’agnostiques, affublés du faux-nez des déistes, autrement dit un lac remplis de piranhas mangeurs de tout ce qui sentait le catholicisme !

Les assemblées qui suivirent furent pires, elle gardèrent du jansénisme la dureté, en excluant toujours le mystère de la croix, donc la miséricorde divine. Robespierre y trouva alors des oreilles pour entendre sa grande révélation : « la vertu sans laquelle la terreur est funeste; la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu (2). Et c’est le 17 juin 1789 que ce sinistre engrenage avait démarré !

Un siècle plus tôt, jour pour jour, Soeur Marguerite Marie avait eu , à Paray le Monial sa dernière révélation, bien différente de celle de Robespierre . Le 17 juin 1689, Jesus lui avait dit : « Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré Coeur ( le roi de France) que comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte enfance, de même il obtiendra sa naissance de gloire éternelle par la consécration à mon cœur adorable, qui veut triompher du sien, et, par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis et de tous ceux de la Sainte Église ».

En fait , dès le 27 décembre 1763, Soeur Marguerite Marie avait reçu sa première vision, « Honore mon Sacré Coeur » avait dit la voix, commandant ainsi de diffuser au monde le message d’amour du Christ ! Ainsi la toute dernière vision indiquait que la France , par son roi était appelée à faire rayonner la miséricorde du Christ comme antidote aux poisons du jansénisme et des Lumières ! Louis XIV n’eut jamais connaissance de cette révélation et ce n’est pas la faute de Marguerite Marie ! Il continua sa bataille juridique qui renforça son opposition parlementaire. Plus le temps passait, on s’intéressait , chez « les longues robes » du palais de justice beaucoup plus à faire échec et mat au Pape et au roi qu’à la la défense de la toute puissance de la grâce, dont on avait que faire !


 


Mais l’adoration du Sacré Cœur de Jésus était semée, et comme le bon grain de l’Evangile, elle fit pousser dans la bonne terre du peuple de France des âmes chrétiennes fortes , au point de ne pas craindre le martyr. Que d’arbres aux oiseaux poussèrent alors , les chants qu’ils feront entendre dureront jusqu’aux lieux des supplices , jusqu’à ce que le couperet de la guillotine impose son lugubre silence !L’adoration du Sacré Coeur fut effectivement pratiquée, et du peuple elle gagna la cour par la reine Marie Leckzinska, épouse de Louis XV, son fils Louis Ferdinand, un dauphin qui ne régna pas, et surtout ses enfants, Madame Elisabeth, et, partiellement Louis XVI, car il est difficile historiquement de prouver une consécration de sa part au Sacré Coeur. Ce qui est sûr en revanche, c’est l’importance qu’il accordait à la grâce de l’Eucharistie. Et cela est en lien avec le Sacré Coeur. Il ne faut jamais oublier que l’adoration eucharistique implique la communion. Adorare en latin suggère aussi « porter à la bouche » et Saint Augustin avait affirmé « Que personne ne mange cette chair sans d’abord l’adorer. Nous pècherions si nous ne l’adorions pas. ».

Le 15 avril 1791, après qu’il eût signé par force la Constitution civile du clergé, le roi hésita à communier, il s’adressa par écrit à Mgr de Bonal, évêque de Clermont « Je viens, Monsieur l’évêque, m’adresser à vous avec confiance….C’est pour mes Pâques que je viens vous consulter : puis-je les faire et dois-je les faire dans la quinzaine ? Vous connaissez le malheureux cas où je me trouve par l’acceptation des décrets sur le clergé ; j’ai toujours regardé leur acceptation comme un acte forcé…un prêtre que j’ai vu pense que mes sentiments peuvent suffire et que je peux faire mes Pâques … ». L’évêque, à regret, répondit négativement. C’est ce qui décida le roi à fuir Paris, en juin pour se réfugier à Montmédy . Il fut arrêté à Varennes. Et Louis ne retrouva la communion au Corps de Son Sauveur, qu’au petit matin du 21 janvier 1793 à la prison du Temple en communiant à la messe de l’abbé Edgeworth de Firmont que Madame Elisabeth sa sœur lui avait indiqué.Ainsi la lumière consolatrice du Sacré Coeur de Jésus avait fini par triompher d’un assemblage de ces ténèbres hétéroclites, qu’étaient le jansénisme gallicano -parlementaire, la philosophie des Lumières et les lenteurs de la réponse romaine à l’urgence de l’attaque sournoise contre l’Eglise qu’était la Constitution civile du clergé . Louis comprit qu’on en voulait beaucoup plus à Dieu qu’à lui-même. Ce n’était plus lui ni son pouvoir qui était menacés en priorité, mais celui de Dieu, dont il était l’Oint par le sacre .

Ce 25 juin 1791, le roi qui arrivait à Paris après son arrestation à Varennes n’était plus le même homme. Si l’on se réfère à l’intéressante thèse des deux corps du roi, seul son corps mortel avait été arrêté à Varennes, et il suivait comme une faible ombre le corps royal multi-séculaire, qui , de retour à Paris , composera, finassera même pour tout ce qui était politique , mais ne cédera rien en matière religieuse. Le corps glorieux du roi , fils aîné de l’Eglise, n’arrêta alors jamais plus de briller de la lumière invincible du Sacré Coeur, au travers des journées d’émeutes, à la prison du Temple , face aux faux juges de la Convention, et jusqu’à l’échafaud.Il se savait donné à Jésus d’une manière particulière.

 Comme l’affirme l’Evangile que nous avons lu , Louis avait la certitude que Jésus ne le jetterait pas dehors. Quelques heures avant d’arriver devant la guillotine, il avait reçu le corps du Christ au cours de la messe, et certainement aussi son Sacré Coeur! Nul doute que ce fut Lui qui lui inspira ses dernières paroles pendant qu’on le sanglait sur la planche fatale « Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France. ».

Alors que ce sang ne cesse pas de pleuvoir sur notre France agonisante et de plus en plus égarée, par un complot anti catholique aussi dangereux que celui qui la désola pendant dix ans, soyons fervents , en ce temps jubilaire, dans l’adoration du Sacré Coeur de Jésus, sans oublier que celui de Marie y est joint, Marie patronne principale de notre pays. Comme le disait excellemment le Nonce Apostolique, Mgr Celestino Migliore, récemment, dans une homélie évoquant le jubilé « Le Sacré Coeur est central et d’une grande importance dans notre vie spirituelle et sociale pour nous chrétiens. La mansuétude de Dieu soulignée par la spiritualité du Sacré-Coeur, doit devenir notre mode de vie : mettre des limites à notre tendance à nous affirmer devant les autres, à décider pour les autres, à toujours parler pour les autres,  à toujours vouloir avoir le contrôle absolu de ce qui se passe autour de nous… », j’arrête là l’énumération des tendances mauvaises nées de la Révolution, entretenues par la première république qui les transmises à ses filles, telle une maladie congénitale. Au Nom du Sacré Coeur, et par la force qu’il donne, rejetons cette pestilence !Ce temps du Jubilé pourra alors être celui de la fin d’un monde, celui de la peur en inaugurant le début du monde de l’espérance ! Ainsi soit-il !


Père Michel Viot.


1, Père Michel Viot « Les Papes et la France, de Clovis à De Gaulle », chapitres 20 et 21, particulièrement, préface du Cardinal Philippe Barbarin, édition Via Romana.


2, Père Michel Viot « l’heure du royaume de France est-elle venue? » cit discours de Robespierre p 149. Ed Via Romana.



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